Huiles Essentielles et cancer sont des sujets qui ont été étudiés conjointement depuis quelques années. Le cancer est une maladie décrite depuis l’Antiquité, dont le nom a été donné par un médecin grec, Hippocrate. En observant l’aspect de certaines tumeurs qui présentent des prolongements rappelant les pattes d’un crabe, il les a nommées pour la première fois par les noms grecs de « karkinos » et « karkinoma » (cancer et carcinome).
Il sera possible d’en savoir plus sur l’utilisation des HE en suivant nos masterclass en E-learning, ou nos formations en présentiel, à Grasse.
En France, la mortalité par cancer en 2017 était de 150 000 décès pour 400 000 nouveaux cas décelés. Au-delà de ces chiffres alarmants, il faut noter que le taux d’incidence(c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas ramenés à la population constante) a baissé de 1,3% par an entre 2005 et 2012 chez les hommes et a légèrement augmenté de 0,2% par an sur la même période chez les femmes (http://www.e-cancer.fr/Comprendre-prevenir-depister/Qu-est-ce-qu-un-cancer/Chiffres-cles).
Mise en garde :
Toutes les études citées ici, dans le cadre des Huiles Essentielles et cancer, sont réalisées soit in vitro soit sur l’animal, et il est impossible de conclure à l’efficacité clinique des HE sur les bases énoncées ici. Notre but est simplement de réaliser une synthèse documentaire sur les HE et les cancers.
Par ailleurs, il faut noter et retenir que les HE ne s’utilisent pas impunément en parallèle de la chimiothérapie, et que toute utilisation d’HE dans ce cadre doit être validée par un professionnel de santé. De même, les conseils prodigués ici ne se substituent pas à une consultation médicale. Enfin, n’interrompez ou ne modifiez jamais un traitement médical de votre propre chef.
1. Qu'est-ce qu'un cancer
Le cancer résulte de la survenue d’un dysfonctionnement au niveau de certaines cellules de l’organisme. Celles-ci se mettent à se multiplier de manière anarchique et à proliférer, formant ainsi un néoplasme.
Quelle différence entre néoplasme et cancer ?
Cette masse, au départ localisée, peut ensuite s’étendre aux tissus environnants puis donner naissance à des cellules qui vont migrer à distance où elles formeront des métastases (Figure 1).
Le cancer va donc apparaitre lorsque les mécanismes de contrôle de la division cellulaire ne sont plus opérants. Ces cellules vont alors se reproduire de façon excessive, anarchique et incontrôlée.
Le cancer regroupe plus d’une centaine de maladies. C’est pourquoi on ne devrait plus parler d’UN cancer, mais DES cancers. La quasi-totalité des tissus peut être atteinte par cette pathologie. Chaque cancer a ses propres caractéristiques mais les mécanismes originels sont communs : on parle de cancérisation des cellules.
Comment une tumeur se forme-t-elle ?
Différentes étapes ont été identifiées dans le développement d’un cancer : La cellule commence par se transformer en cellule cancéreuse, puis elle se développe pour donner une tumeur, qui va tendre à se disséminer vers d‘autres organes (Figure 2).
Même si la prédisposition génétique joue un rôle dans la probabilité de développer un cancer, on estime que 70 à 90% des cancers humains peuvent être attribués à une cause environnementale ou chimique (1) !
Le développement d’un cancer nécessite trois étapes :
- Initiation : La substance carcinogène se lie à l’ADN. Ce stade peut ne présenter aucun effet délétère, si l’ADN est réparé ou si cette liaison mène à la destruction de la cellule. Cependant, si la mutation est ancrée dans la cellule, elle est irréversiblement altérée et devient « initiée ».
- Promotion: Les substances promotrices agissent en stimulant la prolifération de cellules initiées. Cette étape peut impliquer des gènes particuliers (voir ci-dessous) ou inhiber les processus naturels de réparation de l’ADN. Cette étape est dose-dépendante et réversible après élimination de l’agent promoteur.
- Progression : Cette étape implique une croissance anormale des cellules, une amplification de certains gènes, une perte de l’intégrité chromosomique, une angiogénèse (formation de nouveau vaisseaux sanguins au niveau de la tumeur) et éventuellement une métastasisation.
Il est important de garder à l’esprit ces éléments dans le cadre de l’utilisation des Huiles Essentielles et cancer.
2. Comment la cellule cancéreuse se forme-t-elle ?
Lors de cette étape, une cellule saine au départ, subit une lésion majeure au niveau de son ADN qui l’amène à se transformer (c’est-à-dire à devenir une cellule cancéreuse). Cette transformation met en jeu des substances dites cancérigènes (on dit aussi cancérogènes ou carcinogènes).
Facteurs cancérigènes
Il existe plusieurs catégories de facteurs qui favorisent ces mutations :
- Facteurs physiques: Des rayonnements (les rayons UV du soleil par exemple), ou certains traumatismes d’origine mécanique peuvent avoir une action cancérigène.
- Facteurs infectieux: De nombreux virus, appelés virus oncogènes, favorisent l’apparition des cancers en modifiant le patrimoine génétique des cellules infectées. C’est le cas du papillomavirus et le cancer du col de l’utérus, ou les virus des hépatites B et C en lien avec le cancer du foie).
- Facteurs chimiques : Des substances naturelles (comme la viande rouge consommée en excès(2)) ou artificielles (comme le goudron du tabac ou certains produits chimiques) peuvent également avoir un effet cancérigène.
Définition : Substance cancérigène (ou carcinogène)
Pour être complètement cancérigène, une substance doit à la fois initier le développement de la cellule cancéreuse, et le promouvoir. Une substance qui ne présente qu’une seule action sur les deux est dite « cancérigène incomplète ».
Mode d’action des facteurs cancérigène sur la cellule
On peut distinguer deux catégories de mode d’action des produits carcinogènes (3) :
- Ceux qui sont génototoxiques, par une interaction directe avec l’ADN. Ces facteurs génèrent une action irréversible, par une modification définitive du patrimoine génétique des cellules.
- Ceux qui agissent par voie épigénétique. Ces facteurs modulent le cycle cellulaire, et présentent une action réversible (lorsque l’exposition à la substance cancérigène cesse, le risque revient au niveau initial).
Il faut noter que nombre de ces substances potentiellement cancérigènes sont naturellement éliminées par des vésicules cellulaires spécialement dédiées à la détoxification : les péroxysomes. Ainsi, le mécanisme de cancérisation s’installe dans la durée, si l’exposition aux agents cancérigènes est répétée de façon à saturer les mécanismes intrinsèques de protection.
Les gènes impliqués dans la cancérisation
Les facteurs cancérigènes énoncés vont favoriser l’apparition de mutations, qui se produiront au hasard sur la molécule d’ADN. Si, par malchance, ces mutations touchent des gènes impliqués dans le cycle cellulaire, le mécanisme de cancérisation peut être amorcé.
On a identifié trois catégories de gènes qui, une fois altérés par des mutations, peuvent participer à ce processus :
- Des « proto-oncogènes » : ils ont pour rôle de favoriser la prolifération normale des cellules. Une mutation sur ces gènes – qui deviennent alors des « oncogènes » – peut avoir pour conséquence une activation de leur fonctionnement, ce qui entraîne une stimulation anormale de la prolifération cellulaire.
- Des gènes « suppresseurs de tumeur » ou « anti-oncogènes »: ils ont, au contraire, pour rôle de freiner la prolifération normale des cellules. Une mutation sur ces gènes peut entraîner une inactivation ou une diminution de leur fonctionnement, ce qui aboutit aussi à une stimulation anormale de la prolifération cellulaire.
- Des gènes qui permettent à la cellule de réparer son ADN lorsqu’il est endommagé : la déficience de ces gènes joue un rôle-clé dans l’apparition des cancers.
Les caractéristiques de la cellule cancéreuse
Cette transformation de la cellule normale en cellule cancéreuse est un processus long, qui peut durer des dizaines d’années et nécessiter pas moins de 4 mutations différentes !
Au terme de cette transformation, la cellule cancéreuse a acquis un certain nombre de caractéristiques. Elle est :
- indépendante vis-à-vis des signaux qui régulent (favorisent ou freinent) habituellement sa croissance et sa division ;
- apte à échapper au processus de mort cellulaire programmée ;
- apte à se diviser indéfiniment.
Forte de ces caractéristiques, la cellule devenue cancéreuse peut se développer et former une masse plus ou moins volumineuse.
3. De la cellule cancéreuse à la tumeur
Les cellules cancéreuses se divisant activement, ont des besoins énergétiques (en dioxygène et en nutriments) très élevées.
Conditions de développement de la tumeur
Pour les suppléer, elles mettent place deux mécanismes majeurs :
- Leur métabolisme cellulaire va se tourner exclusivement vers la consommation de glucides. C’est ce qu’on appelle l’effet Warburg. Ainsi, une cellule cancéreuse peut se repérer par imagerie par sa consommation excessive de glucose par rapport aux cellules environnantes(4). C’est le principe qu’utilise le PET-scan pour repérer les cellules cancéreuses.
- Elles vont produire des signaux qui favorisent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. C’est ce qu’on appelle l’angiogenèse.
Ce point est capital car, sans irrigation sanguine, la tumeur ne pourrait pas grossir au-delà d’un dixième de millimètre. Par ailleurs, les cellules cancéreuses deviennent capables de s’insinuer dans les tissus sains voisins et de migrer dans l’organisme pour donner des métastases.
Mécanismes de défense contre les cellules cancéreuses
Si l’annonce de la présence de cellules cancéreuses est souvent vécue comme un grand traumatisme par les malades et leur famille, il ne faut pas oublier que l’organisme dispose d’un système de défense capable de détruire les cellules cancéreuses. En effet, le système immunitaire contient des cellules appelées « natural killer » ou NK, qui sont capables de repérer les cellules cancéreuses et de les détruire.
Ainsi, une tumeur ne peut se développer que si elle a réussi à « tromper » le système immunitaire ou si son développement excède la capacité des cellules NK à éradiquer ces cellules déviantes.
Infoflash : Lutter contre le cancer en stimulant les cellules NK
Dans un article paru en octobre 2017, des chercheurs d’un institut du Luxembourg ont réussi à identifier les facteurs qui attirent les cellules NK au niveau de la tumeur (5).
L’objectif serait, à terme, de pouvoir stimuler ces facteurs pour renforcer l’action du système immunitaire et ainsi éradiquer la tumeur.
Ces mécanismes de lutte contre le cancer en agissant sur le système immunitaire constitue une avancée dans lutte contre le cancer, et appartient à une discipline appelée immunothérapie.
4. De la tumeur aux métastases
La majorité des cancers évoluent en suivant les mêmes étapes, mais à des vitesses très variables et selon des modalités propres à chaque type de cancer.
Les étapes de développement du cancer
- La maladie débute en général par une lésion précancéreuse, qui contient des cellules en cours de transformation.
Toutes les lésions précancéreuses ne donnent pas forcément lieu à un développement de cancers.
- Une cellule cancéreuse apparaît et commence à se multiplier, formant un néoplasme. Dans un premier temps, la tumeur de petite taille reste localisée dans le tissu d’origine.
- La tumeur grossit et commence à envahir les tissus voisins.
- Les métastases Elles touchent parfois les ganglions lymphatiques en premier, petits organes dispersés dans tout le corps et palpables au niveau du cou, de l’aine et des aisselles, qui jouent un rôle clé dans la lutte contre les infections. Puis les métastases s’étendent aux autres organes. Elles sont responsables de 90% des décès par cancer.
La classification officielle des stades de cancer
Une description par stade reposant sur l’étendue et le volume de la tumeur est parfois utilisée. Elle distingue quatre stades :
- Le stade 1 : qui correspond à une tumeur unique et de petite taille.
- Le stade 2: qui correspond à un volume local plus important.
- Le stade 3: qui correspond à un envahissement des ganglions lymphatiques ou des tissus avoisinants.
- Le stade 4: qui correspond à une extension plus large dans l’organisme sous forme de métastases.
5. Aromathérapie, Huiles Essentielles et cancers
Les huiles essentielles peuvent agir à plusieurs niveaux :
- Certaines huiles essentielles peuvent avoir un effet carcinogène, c’est-à-dire qu’elles favorisent l’apparition ou le développement des cancers. Ces HE feront donc l’objet de certaines précautions dans leur utilisation, en particulier sur des patients à risque (développant ou ayant développé des cancers).
- D’autres ont un effet protecteur, en agissant par exemple par une neutralisation des radicaux libres.
- Enfin, certaines huiles essentielles peuvent présenter un effet inhibiteur sur le développement des tumeurs, par une action à différents niveaux.
Nous allons maintenant détailler le mode d’action des huiles essentielles sur la cellule cancéreuse.
La présente synthèse ne vise pas à donner des outils thérapeutiques (le cancer relève de la médecine pharmaceutique), mais à comprendre comment les HE et les composés qu’elles contiennent peuvent agir sur les cellules cancéreuses.
Important : Evolutions sur les Huiles essentielles et cancers hormono-dépendants
Certaines huiles essentielles, comme la sauge sclarée (Salvia sclarea) étaient considérées comme ayant une action hormon-like, c’est–à-dire qu’elles mimeraient l’action de certaines de nos hormones.
Ces huiles essentielles seraient donc à manipuler avec la plus grande précaution dans le cadre de cancers hormono-dépendants.
Pourtant, la liaison des COV aux récepteurs œstrogéniques est excessivement faible et le risque est donc très réduit de voir un cancer stimulé par la consommation d’HE (2). Malgré tout, dans le doute, la prudence suggère de limiter au maximum ces HE pour les patients ayant des antécédents de cancers hormono-dépendants.
Il faut noter qu’aujourd’hui, les HE de sauge sclarée, cyprès de Provence et niaouli (Salvia sclarea, Cupressus sempervirens, Melaleuca quinquenervia) ne sont plus considérées comme hormon-like (6 ; 21)
En ce qui concerne les cancers hormono-dépendants, il semblerait que l’anéthol puisse effectivement se lier aux récepteurs œstrogéniques, ce qui par exemple contrindique totalement les HE d’Anis vert, Anis étoilé, Fenouil ou Aneth dans les antécédents de cancers hormono-dépendants.
Huiles Essentielles qui favorisent le cancer (carcinogènes ou cancérigènes)
Nous l’avons vu, on peut classer les substances cancérigènes en deux catégories : celles qui sont « complètement cancérigènes » et celles « partiellement cancérigènes ».
Mise en garde : Limite des méthodes d’étude de l’effet carcinogène des HE
Les études qui portent sur l’action carcinogénique des molécules aromatiques présentes dans les HE utilisent des modèles animaux ou in vitro, avec des expositions prolongées à des doses très élevées. Ces conditions sont très éloignées de l’utilisation thérapeutique des HE, aussi faut-il prendre les résultats obtenus dans ces études avec une certaine distance.
Dans les huiles essentielles, on rencontre très peu de produits cancérigènes complets. En revanche, de nombreux composés sont des cancérigènes partiels, soit directement soit après transformation métabolique dans l’organisme.
Les Huiles Essentielles qui sont carcinogènes complets
On peut citer dans cette catégorie des composés tels que les α- et ß-asarone (présents dans l’huile essentielle de calament Acorus calamus), l’estragol et le méthyleugénol (présents dans l’huile essentielle de basilic exotique Ocimum basilicum ou de laurier Laurus nobilis par exemple).
Cependant, ces molécules ne peuvent exercer leur effet carcinogène qu’après une activation enzymatique assez complexe et très variable (6), ce qui rend leur étude in vivo particulièrement difficile.
De plus, des doses assez élevées in vitro sont nécessaires pour constater cet effet.
Les Huiles Essentielles qui sont carcinogènes incomplets
Plusieurs composés sont des cancérigènes partiels, avec un rôle uniquement promoteur. En présence d’un initiateur (et uniquement en sa présence), une cellule exposée régulièrement pendant une période prolongée à certaines HE pourra devenir cancéreuse.
Par exemple, la forme oxydée du limonène (obtenue lors de l’altération du limonène naturellement présent dans les HE issus d’agrumes zestes), l’eugénol ou le benzyl acétate (présent dans l’huile essentielle d’ylang ylang Cananga odorata) favorisent le développement d’un néoplasme en présence d’un initiateur chimique.
Attention : on parle bien ici de la forme oxydée du limonène, et non du limonène lui-même, qui présente au contraire une action anti-néoplasique.
Cela traduit l’importance de conserver dans de bonnes conditions les HE en général, et en particulier celles issues d’agrumes zestes !
Ces considérations, si elles sont intéressantes pour comprendre le mode d’action des huiles essentielles sur les cellules, n’en demeurent pas moins difficilement exploitables d’un point de vue thérapeutique. Doit-on se passer des HE de basilic (Ociumum basilicum), de laurier (Laurus nobilis) ou de clou de girofle (Eugenia caryophyllata) en raison de la présence de méthyl-eugénol et de son pouvoir cancérigène ? Ce serait sans considérer le rôle que joue la dose administrée quotidiennement (en fonction de la voie utilisée –cutanée, orale ou rectale), et la durée d’utilisation de ces HE. Avec quelques précautions de bon sens, il est donc possible de bénéficier des bienfaits de ces huiles, tout en minimisant leurs effets négatifs.
Huiles Essentielles qui s'opposent au cancer (anti-carcinogènes ou anti-cancérigènes)
Les facteurs à l’origine de la cancérisation des cellules sont souvent d’origine chimiques. Parmi eux, le stress oxydant altère l’ADN. Ainsi, les HE ayant une action anti-oxydante, soit directe soit indirecte, vont avoir un effet protecteur sur le développement de cellules cancéreuses.
On peut citer parmi elles la sauge officinale (salvia officinalis), les thyms à thymol et à carvacrol (Thymus vulgaris CT thymol ou carvacrol), ou la menthe poivrée (Mentha piperita). Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter à la section concernant les HE anti-oxydantes.
Protection contre les mutations
Certaines huiles essentielles ont une action protectrice contre les facteurs qui pourraient déclencher des mutations génétiques.
Parmi elles, on peut citer : la matricaire (Matricaria chamomilla) (7), la lavande vraie (Lavandula vera) (8), la sauge officinale (Salvia officinalis) (9), le curcuma (Curcuma longa) (10), ou l’ail (Allium sativum) (11).
Le mode d’action de ces huiles pourrait être de s’opposer à l’entrée des mutagènes dans la cellule, de les inactiver par une action antioxydante ou par l’activation d’enzymes de détoxification (12).
Effets chémopréventif et chémothérapeutique
Ces effets peuvent être définis comme résultant de l’utilisation d’agents naturels, synthétiques ou biologiques pour prévenir ou supprimer l’évolution de cellules cancéreuses vers un cancer invasif (6).
Des composés tels que le limonène, le géraniol (HE de géranium rosat ou de palmarosa), les composés soufrés (HE d’ail) ont une action chémopréventive et chémothérapeutique par modulation de l’activité d’enzymes, l’induction de la mort cellulaire des cellules cancéreuses, l’inhibition de la prolifération cellulaire et de l’angiogénèse.
L’huile essentielle de citronnelle (Cymbopogon flexuosus), riche en citral et en géraniol a montré une efficacité sur des cellules cancéreuses du sein. Cette HE agirait par une action anti-œstrogénique en bloquant les récepteurs aux œstrogènes, si elle est administrée à forte dose. Cette action n’a pas été mise en évidence si la dose est plus faible (12).
L’eugénol a également montré de puissants effets anti-carcinogènes chez une souris femelle atteinte de mélanome (13). De plus, cette substance a joué un rôle protecteur contre l’apparition de métastases. Cependant, cette activité est observée pour de faibles doses d’eugénol en raison d’une action antioxydante ; si la dose est plus élevée, on assiste à une inversion des effets, avec une activité prooxydante. Cette même action dose-dépendante a été obtenue avec le thymol (14).
Dans une étude récente (15), il a été démontré que la carvacrol (présent dans l’HE de sarriette Satureja montana ou d’origan compact Origanum compactum) pouvait déclencher la mort cellulaire (un mécanisme appelé apoptose) de cellules cancéreuses humaines du col de l’utérus et du foie. La même action a été obtenue avec l’alpha-santalol (16) présent dans l’HE de bois de santal (Santalum Austrocaledonicum).
Une molécule souvent citée pour ces effets anticancéreux est le D-limonène (22). Il semblerait qu’elle restaure la capacité des cellules cancéreuses à « mourir » par un processus d’induction de mort cellulaire (apoptose). Cet effet a été mis en évidence chez la souris, dans les cas de cancer du poumon. Il semblerait que cette molécule soit également efficace sur le cancer du sein, bien qu’une méta-analyse conclue à un manque d’études cliniques (23). Cette action serait aussi déclenchée par le produit de dégradation du limonène par le foie, appelé périllyl alcool (24).
En définitive, des études ont mis en évidence l’efficacité des huiles essentielles et de leurs composés contre les leucémies, et les cancers de la vessie, des os, du cerveau, des seins, du col de l’utérus, du colon, du larynx, du foie, des poumons de la bouche, de l’œsophage, des ovaires, du pancréas, de la prostate, de la peau et de l’estomac (6). Cependant, il convient d’être particulièrement prudent dans l’interprétation des données expérimentales : en effet, une action cytotoxique sur les cellules cancéreuses mise en évidence in vitro peut nécessiter des doses proches de la toxicité. En conséquence, si ces résultats sont intéressants et encourageants, il restera à déterminer les doses nécessaires in vivo pour retrouver une efficacité significative, tout en limitant les effets négatifs.
En particulier, des études cliniques seront indispensables pour confirmer ces premières conclusions.
Protection par stimulation du système immunitaire
L’un des mécanismes naturels de lutte contre les tumeurs malignes est la destruction des cellules cancéreuses par les cellules NK.
Certains HE ont la capacité de stimuler les propriétés de ces cellules : ainsi, l’eugénol (contenu dans l’HE de clou de girofle) a montré cet effet in vitro avec des doses assez faibles (41µg/Kg) (17).
De même, le limonène (contenu dans les HE issus d’agrumes zestes Citrus sp. op. zestes, (18)) et les composés soufrés issus de l’HE d’ail (allium sativum) ont également montré une bonne efficacité sur la stimulation des cellules NK (19).
Enfin, le benzaldéhyde (présent dans l’huile essentielle de cannelle écorce Cinnamomum zeylanicum op écorce ou de niaouli Melaleuca quinquinervia CT cinéole) serait capable d’inhiber les métastases à partir de tumeurs pulmonaires chez le rat (20).
Attention cependant, car l’action des HE sur le système immunitaire en cas de cancer peut parfois provoquer des effets indésirables. Ainsi, certaines HE (contenant de l’anéthole, de l’eugénol et de l’isoeugénol) ont provoqué une diminution du taux de lymphocytes T chez le rat, ce qui pourrait être particulièrement préjudiciable aux patients sous chimiothérapie (6). Mêmes si ces découvertes n’ont pas encore été (à notre connaissance) confirmées chez l’humain, la plus grande prudence s’impose.
Conclusion
De nombreuses HE présentent une action avérée sur les cellules cancéreuses, en agissant à différents niveaux. Vous trouverez une étude plus poussée dans notre ouvrage Physiologie et Huiles Essentielles, publiée aux éditions Dunod et co-écrit avec Philippe Banel.
Si les HE ont montré une efficacité prouvée dans la lutte contre le cancer, leur utilisation reste d’un usage très délicat, car les effets sont très dépendants des doses et difficiles à évaluer avec précision.
Par exemple, un lecteur attentif aura peut-être remarqué que l’eugénol est cité à la fois dans les composés carcinogènes et anticarcinogènes, en raison de son effet dose-dépendant ! De ce fait, comment considérer son action ? A quelle dose précise obtient-on un effet ou son contraire ?
De même, on peut se demander dans quelle mesure les études menées sur le rat livrent des conclusions transposables chez l’humain ?
Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre, et qui imposent donc la plus grande prudence lorsque l’on souhaite utiliser les HE dans un cas de cancer. Ici encore, la consultation d’un médecin connaissant les HE nous apparait indispensable.
En tout état de cause, il est également fondamental de demander l’avis d’un médecin avant d’associer les HE à tout traitement pharmaceutique, car celles-ci peuvent modifier le fonctionnement des molécules.
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