Les huiles essentielles sont très efficaces, mais aussi potentiellement dangereuses si on ne les utilise pas correctement.

C’est pourquoi il est très important de savoir comment elles agissent sur notre organisme. La particularité de l’aromathérapie française est d’utiliser toutes les voies possibles, à l’opposé de l’aromathérapie américaine, qui n’utilise quasiment jamais la voie orale.

La plupart des informations résumées ici sont tirées de l’ouvrage « Physiologie et Huiles Essentielles »,  co-écrit avec Philippe Banel et publié aux éditions DUNOD. Vous pouvez le trouver en suivant ce lien.

Les huiles essentielles peuvent être prises par voie orale, olfactive, cutanée, rectale ou vaginale. Nous ne détaillerons pas ici les différents moyens d’administrer des huiles essentielles, cela fera l’objet d’un autre article.

En revanche, il est important de savoir que l’action des Huiles Essentielles (HE) dépendra grandement de la voie d’administration sélectionnée.

Par exemple, la voie cutanée permet un passage très rapide des huiles essentielles dans la sang (quelques dizaines de minutes pour la lavande vraie), mais elle distribue une quantité de composés actifs relativement faible : seulement 10% en moyenne des molécules présentes dans l’Huile Essentielle se retrouvent dans le sang. Le reste est soit perdu par évaporation, soit actif localement sans passer dans le sang.

La voie orale en revanche, permet de distribuer une plus grande quantité de composés actifs (50% environ), mais cette diffusion se fera de manière plus progressive.

« Ainsi, en fonction de l’effet recherché, le thérapeute adaptera la voie d’administration sélectionnée. »

Mise en garde importante

Certaines marques de marketing de réseau conseillent les HE en voie orale de façon totalement inconsidérée, sans que les conseillers n’aient suivi de formation sérieuse.

Ne souhaitant pas que ces marques utilisent cet article pour légitimer leurs pratiques, je précise ici que je ne cautionne aucunement leurs démarches commerciales.

1. Physiologie de la voie orale

La voie orale, grâce aux gélules en gélatine, est une voie royale pour distribuer une grande quantité d’huiles essentielles de façon simple et efficace.

Ces gélules peuvent accueillir jusqu’à 5 ou 6 gouttes d’huiles essentielles (100 à 120 mg), et être préparées en avance. La dose la plus classique est autour de 80mg, soit environ 4 gouttes.

La voie orale est particulièrement intéressante pour plusieurs raisons, en particulier : 

  1. Elle permet une diffusion progressive des Huiles Essentielles
  2. Malgré ce qu’on pense souvent, elles sont bien tolérées au niveau de l’estomac, car cet organe est protégé par un mucus adapté à la lutte contre les attaques chimiques. Cela est valable lorsque l’estomac est intact, c’est-à-dire en l’absence d’ulcères. En présence d’ulcères, mieux vaut éviter cette voie ou consulter un professionnel.
  3. Les Huiles Essentielles sont, en partie au moins, absorbées vers la circulation lymphatique avant de rejoindre la circulation générale, ce qui fait que le foie n’est pas forcément le premier organe à traiter les molécules aromatiques.
  4. Les Huiles Essentielles ne sont pas dégradées par l’estomac, ni par les enzymes ni par son acidité.
  5. Cette voie permet, quand c’est nécessaire, de prendre de « grandes » quantités d’Huiles Essentielles (consulter un professionnel)
Physiologie de la voie orale en aromathérapie

Les différentes étapes

On le voit sur la figure ci-contre, lorsque les Huiles Essentielles sont ingérées, les molécules aromatiques suivent le trajet suivant :

  • Elles sont absorbées :
    • vers la circulation lymphatique  avant de rejoindre la circulation générale et d’avoir une action physiologique ;
    • vers la circulation porte hépatique, à destination du foie où elles sont retraitées avant d’être libérées dans la circulation générale et d’avoir une action physiologique.
  • Le sang qui contient les molécules aromatiques est épuré par le foie (quel que soit l’origine des molécules aromatiques).
  • Les molécules retraitées par le foie sont éliminées, à la fois par les reins et les poumons.

Les précautions de la voie orale

De façon générale, il faut savoir que de nombreuses Huiles Essentielles expriment une toxicité supérieure en voie orale par rapport à la voie cutanée, car leur taux d’absorption est plus élevé. La voie orale est donc une voie très intéressante, mais elle ne convient pas à tout le monde. En particulier, il vaut mieux tenir compte des infos suivantes :

  • Elle est réservée à l’adulte et à l’adolescent à partir de 12 ans.
  • Il faut l’éviter chez les personnes poly médicamentées, et consulter un spécialiste des HE pour vérifier leur compatibilité avec les traitements médicaux suivis. Quoi qu’il en soit, il convient de ne jamais interrompre un traitement médical de sa propre initiative.
  • En cas d’ulcère ou de problèmes gastriques récurrents, il vaut mieux l’éviter.
  • Il convient, de façon générale, de vérifier que les HE que l’on souhaite ingérer soient compatibles avec cette voie.
  • Attention aux HE hépatotoxiques ou neurotoxiques, car c’est par cette voie que cette forme de toxicité s’exprime le plus. Notons que ces HE feront l’objet d’un article spécifique.

Vous trouverez plus d’infos en suivant cette masterclass.

Temps de demi-vie des composés aromatiques contenus dans les Huiles Essentielles

La quantité précise qui sera dégradée est difficile à évaluer, et dépend des différentes molécules. Quoi qu’il en soit, ces notions ont permis de définir la notion de « demi-vie » des molécules actives, et conditionne la fréquence des prises orales.

Par exemple, on remarque dans le tableau ci-contre, que la demi-vie du thymol en prise orale est d’environ 10h ; cela signifie que toutes les 10h, la quantité de thymol présente dans le sang est réduite de moitié.

Ainsi, pour maintenir une exposition suffisante à ce produit actif (présent dans l’huile essentielle de thym à thymol, par exemple), il faut effectuer 2 à 3 prises par jour, mais pendant une durée limitée, car la molécule ayant une demi-vie élevée, elle aura tendance à s’accumuler dans l’organisme.

La connaissance de l’épuration des molécules aromatiques par le foie, et donc leur temps de demi-vie est fondamentale pour établir correctement des protocoles aromatiques.

Pour en savoir plus sur ce sujet, vous pouvez consulter ce livre (en anglais).

Temps de demi-vie de plusieurs molécules aromatiques

2. Physiologie de la voie cutanée

La voie cutanée présente la particularité de ne pas mettre en jeu directement la circulation porte-hépatique.

Cela signifie que les composés actifs présents dans les huiles essentielles passent directement dans le sang, et vont donc produire leur effet thérapeutique plus rapidement.

 

L’utilisation de la voie cutanée s’effectue dans deux situations principales :

  1. Si l’on souhaite avoir une action locale, comme pour traiter une mycose ou bouton d’acné par exemple
  2. Si l’on souhaite avec une action systémique, par un passage des molécules aromatiques dans le sang. Ce passage s’effectue au niveau du derme

Le choix de l’excipient et de l’endroit utilisé pour l’application influencent grandement le mode d’action de la synergie d’HE.

Particularités de la voie cutanée

Ainsi, le principal problème de la voie cutanée est le faible pourcentage de composés actifs qui passent à travers la barrière cutanée et se retrouve dans le sang (environ 10%). 

En effet, si on estime, dans un cas donné hypothétique, que la dose thérapeutique est d’environ 100 mg d’HE par jour (soit environ 3-5 gouttes), il faudra en appliquer 30 à 50 sur la peau ! Il est rare que la peau tolère une telle quantité d’huiles essentielles sans générer de rougeur ou d’irritation !

La voie cutanée sera donc surtout utile pour distribuer localement des huiles essentielles. Si l’on cherche une action systémique, il faudra utiliser un dosage plus élevé, avec les risques d’irritation non négligeables (variables en fonction des HE). En pratique, on utilisera la voie cutanée pour lutter contre une mycose de la peau ou un bouton d’acné, mais dans le cas d’une angine, la voie cutanée sera surtout complémentaire de la voie orale !

 

Physiologie de la voie cutanée en aromathérapie

Remarque : je suis toujours surpris des personnes qui pensent soigner une angine en appliquant quelques gouttes d’huiles essentielles sur les poignets. Sur une infection débutante, cela peut aider, mais c’est très souvent largement insuffisant dès que l’infection est un tant soit peu installée ! Les huiles essentielles, comme les médicaments allopathiques, nécessitent une dose minimale pour être efficaces.

Passage à travers la peau des Huiles Essentielles

Physiologie de la voie cutanée

Les composés actifs des huiles essentielles, lorsqu’ils sont appliqués sur la peau, vont traverser les différentes couches qui composent cet organe.

3 mode de diffusion sont observés :

  • A travers le follicule pileux : les huiles essentielles ruissellent le long des poils, et se retrouvent directement au niveau du derme.

Les zones pileuses (cuir chevelu par exemple) sont d’excellents endroits pour faire diffuser les huiles essentielles vers le derme, et donc favoriser un passage dans le sang.

  • A travers les cellules : les huiles essentielles étant composés de molécules lipophiles (grasses), elles vont pouvoir traverser les membranes de nos cellules et se retrouver rapidement dans les profondeurs du derme.
  • Entre les cellules : les cellules sont unies les unes aux autres par du « ciment » de nature lipidique, que les huiles essentielles pourront traverser très facilement.

Le graphique ci-contre (Tisserand et Young, Essential oil safety, 2013), nous montre que 20 minutes après l’application sur la peau de l’huile essentielle de lavande vraie, on observe un pic de linalol et acétate de linalyle (les deux composé principaux de l’huile essentielle de lavande vraie) dans le plasma.

Ce pic est variable en fonction des composés : certains passent plus rapidement dans le sang. C’est ce qu’on pourrait voir, par exemple, dans l’image ci-contre, à la précaution près mentionnée dans l’encadré.

Dynamique absorption de plusieurs molécules aromatiques

Il faut noter que sur ce graphique, les modes d’application et les concentrations utilisées étant différentes entre l’HE de Lavande vraie et de Bergamote, les résultats sont délicats à interpréter de façon rigoureuse.

Les précautions de la voie cutanée

La voie cutanée est plutôt bien tolérée, si on respecte les précautions qui y sont associées. 

Elles sont de plusieurs ordres, dont les principaux peuvent être résumés ici : les HE photosensibilisantes, et les HE dermocaustiques.

HE dermocaustiques

Ces HE, lorsqu’elles sont appliquées sur la peau, sont responsables de l’apparition de rougeurs, qui peuvent même parfois aller jusqu’à des lésions ressemblant fortement à des brûlures.

Les principales peuvent être regroupées sous le terme : OCSAGRATT, acronyme correspondant aux HE de Origan, Cannelle (feuilles et écorce), SArriette, GiRofle (clou), Ajowan, Thym à Thymol.

Il convient de ne pas les appliquer sur la peau, ou alors soit de manière extrêmement diluée, soit  sur des parties du corps qui peuvent les supporter (plante des pieds par exemple).

A noter qu’il existe d’autres HE qui, sans être complètement dermocaustiques, peuvent quand même générer des réactions cutanées (Basilic exotique…)

Ces HE sont à réserver à l’adulte, hors femme enceinte.

HE Photosensibilisantes

Les HE photosensibilisantes ont la particularité de générer des tâches pigmentaires lorsque la peau est exposée au soleil dans les heures qui suivent l’application de ces HE.

Il faut noter qu’une photosensibilisation pourrait aussi arriver à partir d’une ingestion de ces HE.

De façon générale, les HE photosensibilisantes sont celles qui contiennent des molécules nommées furocoumarines

On regroupe parmi ces HE celles issues d’agrumes zestes (bergamote, pamplemousse, citron…), et d’autres HE comme celles de Khella (Amni visnaga) par exemple (liste non exhaustive).

Avec ces HE, il faudra éviter de s’exposer au soleil dans les 12 heures qui suivent l’application cutanée.

Cannelle écorce et feuille
Cannelle (écorces et feuilles)
Sarriette des montagnes
Sarriette des montagnes
Citron zeste huile essentielle
Agrumes (zestes)
Khella
Khella

Enfin, il faut se rappeler que les Huiles Essentielles contiennent de nombreux allergènes. Un test dans le pli du coude peut s’avérer nécessaire. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez suivre la masterclass dédiée aux fondamentaux. Par ailleurs, il vaut toujours mieux éviter de s’exposer au soleil après une application d’HE, car même avec des HE non photosensibilisantes, une réaction peut malgré tout être favorisée par les UV.

3. Cas particuliers : bébés, enfants, femme enceinte et allaitante

Certains publics particulièrement sensibles nécessitent d’adapter les précautions données de manière générale dans les paragraphes ci-dessus.

Il faut noter que :

  • L’utilisation d’HE est interdite avant 3 mois. En pratique, il est recommandé d’utiliser plutôt des hydrolats, sous la surveillance d’un professionnel.
  • Chez les enfants à partir de 3 mois, l’utilisation est autorisée, mais pas à n’importe quelle dose, ni avec n’importe quelle huile essentielle. Il convient, là encore, de se former correctement ou de suivre les conseils d’un professionnel.
  • Les molécules de camphre (bornéone) ou de 1,8 cinéole ne sont pas recommandées, selon un avis de l’ANSM, pour les enfants de moins de 6 ans. Cela ne signifie pas qu’elles sont interdites, mais qu’il faut les utiliser avec précaution.
  • Les femmes enceintes ne devraient utiliser les HE que si elles sont correctement conseillées. Certaines HE sont interdites, d’autres sont déconseillées et d’autres encore sont utilisables sans danger. Il convient donc de savoir ce qu’on fait avant de le faire. 
  • L’allaitement est une période particulièrement délicate, car de nombreuses molécules aromatiques peuvent passer dans le lait maternel d’une part, et parce que nous manquons d’études rigoureuses d’autre part. Il convient donc, en l’absence de certitude, de s’abstenir de toute utilisation d’Huiles Essentielles, à moins d’être formé ou conseillé par un professionnel.

Par ailleurs, afin de rassurer de nombreuses femmes enceintes, je pense important de rappeler que la toxicité sur l’embryon, le foetus ou le bébé à naitre s’effectue surtout lors d’une utilisation d’HE inadaptées de manière répétée et à des doses importantes. L’utilisation ponctuelle d’un produit cosmétique qui contient des HE ne devrait pas angoisser outre mesure une femme enceinte ou allaitante…

Il est très probable qu’un mésusage unique, avant de se rendre compte de l’erreur commise, ne donne lieu à aucun problème.

Dans le doute, vous pouvez toujours contacter le centre anti-poison en indiquant le produit utilisé potentiellement incriminé, et la dose consommée.

Pour conclure, le succès d’une synergie d’Huiles Essentielles dépend de plusieurs paramètres, dont le choix des HE qui la compose, la dose administrée mais aussi la ou les voie(s) d’administration adaptée(s).

Il est fondamental, lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, de se demander si le choix ou la combinaison des voies ont été les plus adaptés. Ainsi, il sera possible de proposer une évolution du protocole pour augmenter ses chances de guérison.

Rappelons que les articles de ce blog ne peuvent en aucun cas se substituer à une consultation médicale, et que nous déconseillons formellement d’arrêter un traitement médical, ou de prendre des HE en même temps qu’un traitement médical sans s’être au préalable assuré de leur compatibilité.

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